Saints Of Middle Age

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 Anciennes présentations : Anamaya

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Calliope
Muse de la Poésie
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Calliope


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MessageSujet: Anciennes présentations : Anamaya   Anciennes présentations : Anamaya EmptyMer 22 Mai - 10:04

Egypte, vers la moitié de ce sixième siècle...


Du fond de la cavité s'élevait un souffle, un écho quasi imperceptible presque aussitôt suivi d'une nouvelle chute mêlant sable et gravas. Dégringolade de matières si disparates qu'elles ne juraient en rien avec l'amoncellement qui leur tendait les bras. Une pluie dont elle se serait bien passée mais qui paradoxalement l'amenait à réagir. De ses mains couvertes de sang et de limon séché, elle tâtait l'ensemble des nouveaux débris, cherchant le signe salvateur, celui lui annonçant enfin que tout cela n'était que rêve, vaine chimère.

Cela ne pouvait qu'être cela, un rêve. Un de ces cauchemars qui la tourmentait tant du temps de sa lointaine enfance. Epoque bénie où elle ne portait pas encore ce masque sans grâce et sans vie mais qui, ironie, l'avait si bien préservée de toute cette calamité pierreuse et poussiéreuse, aussi suffocante que pesante.

En ce mal avait surgi un bien, il fallait bien le reconnaître. Elle ne devait la survie de ses yeux et de son souffle qu'à cela. La résistance d'un masque et le filtre qu'il avait dressé entre elle et le déluge de matière. N'importe qui d'autre aurait succombé comme en témoignait le pseudo silence glauque qui pesait sur l'immonde caverne. Elle sentait bien d'autres vies mais non de son genre. C'était la vermine des profondeurs qui courait sur les gravats, dérapait avec les vagues de poussière et rongeait ce qu'elle préférait ne pas reconnaître. De la vie, oui mais pas celle d'autres êtres humains. Seule, elle était, seule, elle survivait, à demi-enterrée, oscillant entre conscience et rêve alors que la masse toujours plus alimentée se serrait contre elle en un linceul qui finirait par la prendre au piège.

Sombres instants en un non moins sombre lieu qui s’égrenaient à l'infini en un chant aussi lugubre et sourd que les battements de son propre cœur cognant à ses tympans.

Vivante, elle était, mourante si aussi inerte, elle demeurait, deviendrait...

Sa vie ne tenait plus qu'à un fil entre les mains des terrifiantes fileuses. Les Moires se tenaient autour d'elle. Dans son semi-délire, elle pouvait presque les entendre chuchoter entre deux coups de mandibules.

Un éclat vif, une nouvelle chute et une toux irritée, son temps se rétrécissait, son temps s'amenuisait. Personne ne viendrait, personne ne viendrait...

D'un geste, elle tenta d'essuyer son front couvert d'argent sans y arriver tant la gangue était étroite, pesante, douloureuse, l'empêchant presque de respirer. Puis, elle ferma les yeux, rassemblant ses forces. Il fallait tenir, tenir, se remémorer. Qui était-elle ? Qui attendait-elle ?



Fleur fragile échouée sur le parvis de l'Eglise...

Plus de vingt années auparavant...

" Qui... "
Abrutie par le soleil, elle ne savait plus, elle ne savait plus. Couché tout près d'elle, le corps tiédi ne réagissait plus depuis déjà tant de temps mais elle ne savait. Trop jeune, elle ne savait ce que cela signifiait. Tout ce qu'elle savait, c'est qu'il fallait attendre, attendre l'aide des hommes de Dieu. Ceux qui pourraient les accueillir en cette nuit qui promettait d'être une nouvelle fois bien froide.
Froide comme la mort qui planait aussi sûrement que les mouches bourdonnaient en chœur autour d'elle et de sa mère tandis que de ses bras, elle tenait le petit. Maman lui avait confié le temps qu'elle se repose un peu ainsi que l'outre qui contenait une eau plus que précieuse. Tout cela en plus d'un reste de pain désormais si durci, desséché comme toute chose sous ce soleil implacable. Ils viendraient. Maman l'avait dit, ils viendraient et les aideraient. Dieu est amour, Dieu est partage. Elle n'aurait plus besoin de cette croûte cassante, tout aussi malmenée par la chaleur que sa peau et ses lèvres craquelées.

Encore et encore le bourdonnement incessant comme une litanie lui obscurcissant davantage les sens et la terrible réalité. Elle se souvenait avoir fait boire le petit avant qu'il ne s'endorme lui aussi. Si calme, si calme tout comme maman.
Le temps passait encore et encore alors que le soleil enfin déclinait sans que la cloche échouée sur le sable et la cendre ne remue.
" Pourquoi ? Pourquoi elle ne bouge pas ? Pourquoi personne n'est là ? "
Puis, vint enfin la nuit. Et avec elle le cri des chacals mais aussi la fraîcheur sur son corps et la charogne dont l'odeur se faisait de plus en plus franche.
Un autre appel déchirant et les pleurs de l'enfant se firent soudain entendre. C'était comme un chant de vie, le rappel que l'espoir existait encore tant qu'elle était en vie, en vie. Se raccrocher à la vie, aux dernières paroles de maman, aux cris de son petit frère vers lequel elle penchait la gourde encore tiède. L'eau, si douce lui paraissait comme la meilleure des solutions tandis qu'elle luttait contre sa propre soif, le froid qui montait insidieusement et enfin la fatigue, la faim...

D'autres instants s'écoulèrent encore tandis que la lune montait dans le ciel. Si lumineuse et tendre dans sa clarté, elle offrait tant de douceur que l'enfant ne pouvait se détacher d'elle et des minuscules mains qui tiraient sur ses cheveux emmêlés. Depuis quand maman les avait-elle démêlés ?
" Maman ? "
Se tournant vers le corps, elle continua de la voix de toute son innocence.
" Maman ? Regarde comme on est sages ! "
Elle riait presque dans son état second tandis que les petits doigts la chatouillaient. La force de l'enfant était telle qu'elle enveloppait sans même qu'elle n'en eut conscience leurs deux corps. La vie battait en eux comme la sève montant en de toutes jeunes branches. D'autres instants de jeux suivirent avant que soudain ce qu'elle prit pour des gentils chiens n'approchassent. Hésitants tout au début mais si attirés par l'odeur insistante, ils passaient auprès d'elle, dédaignant les tendrons pour atteindre l'objet de leur convoitise. Tout comme elle et son petit frère, ils avaient le ventre vide, tout comme elle, ils voulaient vivre.
D'un mouvement soudain, la petite se releva avant d'avancer vers les "chiens".
" Non ! Vous allez réveiller maman !!! "
D'un autre geste, elle serrait son petit frère, criant encore et encore, commençant à sérieusement agacer les canidés tout proches.
" Non !!! "
Un grondement bref, l'avertissement d'un prédateur qui les avait épargnés jusque-là.
" Non !!! Laissez maman !!! "
Cette fois, les animaux montraient les dents tandis que leurs congénères commençaient à tirer le corps.
" Non !!! "
Elle n'était qu'une enfant, une toute petite enfant et eux étaient des chasseurs. Des chasseurs qu'elle agaçait. Encore un pas, un seul pour les empêcher et elle fit le pas de trop. Le plus grand d'entre eux, ouvrant grand la gueule la chargea pour la mordre, rapide comme la foudre. Instant fugitif où seuls les nerfs réagissent avant qu'elle ne chute au sol, protégeant encore et toujours son petit frère tandis que les crocs pénétraient en sa chair.

Étincelle vibrante aux portes de Philae

" Qui ? "
Une nouvelle fois, l'interrogation franchissait ses lèvres alors qu'une bien étrange sensation de froid persistait sur sa peau. C'était si froid si lisse, grisant même. Pourtant, au travers de la toile tendue, elle pouvait clairement percevoir le soleil déverser sa lumière en une pluie étincelante. A en juger l'éclat, le jour devait en être à sa moitié. Enfant élevée sous le soleil d'Egypte au cœur d'une vie foisonnante soumise aux crues et décrues du Nil, elle connaissait parfaitement les cycles du divin astre.
" Amon-Rê... " Souffla-t-elle du bout de ses lèvres encore blessées tout en suivant des yeux la valse des taches chatoyantes sur le sol de terre battu avec ça et là quelques nattes de roseau tressé.
" Amon-Rê... Amon-Zeus... " Finit-elle même par laisser échapper d'une voix presque inaudible.

Ainsi en allaient choses en sa tête. Le mélange des cultes et des divinités en ces lieux autrefois conquis par le divin Alexandre avant que les romains n'y viennent se faisait jour après jour plus net. A moins que ce ne fusse encore son âme d'enfant perturbée par ce qu'elle venait de vivre, ignorant encore qu'elle avait échappé à la mort. Tout était si mouvant en elle, les noms se mêlaient malgré la venue de cette dernière divinité bien décidée à phagocyter l'ensemble des croyances. Que penser en effet de ces adorateurs du poisson, de la croix et du dieu unique dont les églises fleurissaient maintenant au cœur même des anciens temples dont ils martelaient, marquaient ou enlevaient les statues. C'était le temps du changement, du grand changement qui bouleversait déjà et bouleverserait à jamais sa vie. Même si elle ne pouvait en comprendre la profondeur, elle sentait déjà que quelque chose briller en elle. Toute jeune, bien trop jeune, elle sentait juste cette forme et entendait ces noms en boucle passer en son âme : Amon-Rê, Amon-Zeus, Isis et Aphrodite...
En était-elle vraiment consciente ? Savait-elle qu'une autre divinité viendrait se joindre à la danse. Peut-être oui, peut-être non mais les temps n'étaient pas encore venus. Pour l'instant, elle ne faisait que suivre en toute innocence les rayons du soleil sans penser à plus. C'était ses derniers instants d'enfance et lui, le savait. Lui qui la guettait depuis la pièce voisine le savait et était bien décider à ne laisser personne les lui enlever.
~ Déesse, pardonnez votre humble serviteur, mais je ne puis voler ces ultimes instants à une enfant. Le temps de la mener à vous est venu et commencera dès qu'elle sera prête à marcher sur le sentier baigné de lumière. ~
Un sourire passa sur ses traits tannés par le soleil. Puis, il tourna à nouveau ses pupilles aveugles vers la toute jeune vie dont le cosmos rayonnait déjà, petite étincelle ne demandant qu'à exploser sous la puissance du vent.
~ Athéna, puisse-t-elle ne pas aller sur la voie de Seth. En ces terres, tout est flou, tout se mélange en un puissant orage où les noms et les dons se meuvent au fil des caprices du destin. La puissance de Seth, sans doute la connaissez-vous sous son véritable nom... ~
Vieux fou pourtant encore si jeune sur des terres millénaire, il serait son maître, son bras et son bouclier le temps qu'elle puisse prendre la place qui était la sienne. Un chemin parsemé d'embûches à quelques lieues de l'Île sacrée. Philae, l'ultime bastion lui tendait les bras, ce serait aussi à elle qu'il la mènerait au fil des méandres de son destin. Tel le Nil et le Soleil, elle traverserait méandres, chutes et tourbillons avant de s'épanouir enfin sous la bienveillance d'Isis et pour la Gloire d'Athéna...
~ Mélange, tout n'est que mouvement, chaos, harmonie et apaisement. Puissante Athéna si tel est votre choix, ce sera en s'initiant au savoir ancestral que détiennent les ultimes prêtres et prêtresses d'Isis qu'elle éclora. ~
Sur cette prière, il se laissa reprendre par les ombres, demeurant toujours aussi attentif alors qu'une voix de femme commençait à se faire entendre et avec elle, les pleurs d'un bébé. L'heure du retour à la réalité venait donc de sonner et avec elle son prochain lot de révélations.

A cette idée, la tête de l'homme s'abaissa. Il allait devoir lui imposer sa première épreuve, sa première perte immense. Elle ne savait pas encore à quel point la vie et le désert pouvaient se montrer cruels tout comme les Moires. Si seulement, il l'avait ressenti plus tôt mais ressasser les coups du destin ne rendrait la vie à personne. Il devrait porter ce fardeau tout comme il lui faudrait porter celui des pertes à venir.
~ Tu seras une reine, une reine qui devra traverser bien davantage de tempêtes que ton âme et ton cœur en vivent présentement... ~ Puis, se radoucissant soudain comme le ferait un père. ~ Sois forte, petite étincelle, sois forte comme la terrifiante Sekmeth... ~
Puis, songeant à Athéna, il ne put s'empêcher de sourire. Les expressions seraient encore là, ancrés pour des siècles et des siècles, on ne pourrait jamais totalement les chasser.
~ Je sais que vous n'en prendrez pas ombrage, Ô déesse... ~
Puis, la voix féminine se tut contrairement à celle de la petite fille qui ne pouvait rester davantage alitée. Elle avait parfaitement compris et ne put retenir davantage la joie qui venait de la submerger, occultant un instant la tristesse infinie qui aurait dû être la sienne.
" Petit frère !!! " Lança-t-elle soudain avec toute la fougue de son enfance, se levant d'un bond, emplie d'une force qui lui était venue si naturellement, avant de s’aplatir aussi sec sur le sol. Comme si elle avait été fauchée par une main invisible.
Un râle de douleur suivi d'un juron puis d'un soupir et elle retenta. Son front dégoulinait sous le masque qu'elle portait sans en connaître l'origine. Elle s'était éveillée ainsi sans prendre le temps de se pencher plus que cela sur son cas. Un geste pour s'essuyer et ne caresser qu'un alliage toujours aussi frais sur le peu de sa peau libre et elle tenta de se relever. Pour chuter tout aussi vite alors que les cris de joie du bébé se faisait cette fois entendre.

" Maman !!! Maman... "
Elle ne reconnaissait pas la voix si aimée mais en son cœur d'enfant, cela ne pouvait être que la sienne. Altérée par la maladie et la soif mais cela ne pouvait être qu'elle. Et rassemblant encore ses forces, elle se redressa pour tomber cette fois sur ses fesses. Un nouveau choc avant que son regard ne croise soudain les bandelettes de lin et qu'elle n'hurle de terreur.
" Les chiens !!! Les méchants chiens ! Laissez maman !!! "
Replongée soudain dans ce cauchemar éveillé, elle se débattit tout en tentant de se relever encore et encore en une série de gestes désordonnés. Une lutte invisible mais bien réelle en sa tête avant que soudain une vague de cosmos ne l'envahisse et qu'elle parvienne soudain à se lever.
~ Le signe !!! Ô Athéna, le temps est venu. A ton serviteur d'entrer en scène maintenant. ~
Et les actes suivirent aussitôt les pensées. Il était temps vu que les murs commençaient à montrer quelques signes de faiblesse au traitement que sans s'en rendre compte, la petite leur infligeait.
" Il suffit, Néféret !!! Il suffit... "
Un prénom qu'il lui avait donné sans rien savoir de sa véritable apparence physique. La vue l'avait quitté depuis longtemps mais le cosmos lui n'avait fait que se sublimer et lui ne mentait pas. Celui de Néféret était déjà si révélateur si révélateur aux yeux de celui qui deviendrait son maître.
" Néféret... " Balbutia-t-elle ensuite avant de s'interrompre. " Je sais plus ! Je sais plus ! Les méchants chiens !!! Méchants... "
Les pleurs vinrent avant que l'homme ne la soulève entre ses bras pour l'amener sans plus de casse auprès de son petit frère.
" Tu t'appelles Néféret et voici ton petit frère... " Glissa-t-il en l'approchant du lit où se trouvait le bébé et la nourrice avant d'ajouter d'une voix grave mais plus que rassurante. " Tu ne l'as pas oublié, lui, n'est-ce pas ? "
" Akthar !!! " Cria-t-elle pour seule réponse.
Le visage de l'homme s'illumina. Néféret n'avait pas tout oublié. Elle se rappelait d'Akhtar, son petit frère qu'elle avait serré tout contre elle tout en repoussant les chacals dorés. Des loups plutôt que des chacals mais cela, seul le guerrier le savait. Et puis, si Néféret préférait voir des chacals en ces souvenirs plus que pénibles, autant la laisser les contempler. Elle aurait tout le temps d'apprendre et de réaliser sa méprise. Seul son traumatisme était urgent et non la connaissance qu'elle acquerrait sans le moindre doute au temple d'Isis.
Un temps infini se passa. Du moins, c'est ainsi que Néféret ressentit les choses lorsque son sauveur la déposa avec délicatesse son corps enveloppé des bandelettes de lins auprès d'Akthar et de Mariam comme il la lui avait présentée. Puis, soudain, elle réalisa que son cou était trempé. Tremper par les larmes qu'elle n'avait pas cessé de verser sous son masque.
" Néféret... "
" Maman..." Le moment le plus terrible venait d'arriver mais il fallait être franc, ne surtout pas lui donner de faux espoirs, ne pas la blesser davantage par lâcheté. Aussi, la serra-t-il entre ses bras si larges avant de lui dire sans faire de détours. Il avait failli être un très puissant chevalier après tout.
" Elle est partie, partie depuis bien longtemps, Néféret, et elle ne peut plus revenir. "
Le ton était doux, grave mais limpide si limpide. Leur mère ne pouvait revenir comme il venait de le lui dire.
" Oui, elle ne peut revenir, Néféret, mais elle t'aimait plus que tout ainsi qu'Akthar. Elle a donné tout son cœur et tout son souffle pour vous. Pour que vous puissiez voir le jour se lever. Son cœur tout entier et maintenant, elle est entrée dans le sommeil éternel. "
" Elle est morte ? "
Le ton était abasourdi, fuyant. Néféret connaissait le terme mais elle n'osait en saisir toute la teneur, toute la cruelle réalité en cet instant. Après tout, elle n'était qu'une enfant, une orpheline à présent.
" Oui, elle est partie rejoindre l'autre monde mais elle sera toujours là en ton cœur et ton âme. "
Sous le regard sombre et si triste de Mariam, le maître et l'élève échangeaient de terribles paroles. N'étant pas éveillée au cosmos mais vivant au service étroit du Sanctuaire, elle avait suivi Aurélius lors de son départ de cette terre sacrée avant de passer par bien des régions pour finalement arriver en ces lieux perdus si loin au sud de l'Egypte et si proche de Philae.
C'était là qu'elle avait fini par s'installer et rester au contact de ce guerrier qui attendait l'enfant que la déesse lui destinait comme héritier. Un enfant qui se verrait du sexe féminin et grandirait pour servir la puissante Athéna.
Un dernier geste de tendresse et Akthar s'endormit de nouveau entre ses bras tandis qu'au loin, les deux êtres échangeaient des instants terribles et douloureux qui ne seraient jamais qu'à eux.
La mort était passée mais l'avenir, de nouveau, s'ouvrait. Une étincelle allait se déposer aux pieds des murs de Philae. Une étincelle qui deviendrait brasier. L'ultime temple serait son antre et même après sa chute, il continuerait à vivre en elle. En Néféret vibrerait son souvenir, sa sagesse...
En Akhtar et en Néferet...

Des terres sacrées de Philae au désert, fleurissent les mirages...



Des années plus tard alors que Néféret est devenue femme, maniant aussi bien l'art de l'écriture que celle du luth en passant par d'autres arts plus secrets entre les murs de Philae...

C'était un jour de procession, une fête qui verrait le retour des crues et la montée des eaux. Avec elles, l'Egypte deviendrait fertile sous une vague de limon. Enrichie sous ses terres humides, elle ploierait ensuite sous les récoltes et comblerait la faim de bien des hommes en un cycle immuable. Dissimulée dans l'ombre d'une colonne couverte de hiéroglyphes, moulée en sa robe de lin, Néféret contemplait la fin des préparatifs. Sous le soleil, la statue d'Isis, habillée, parée et peinte, se dressait avec éclat et grâce. Si belle et si rayonnante, elle éclipsait presque le déploiement fervent quoique très appauvri des fidèles, la grande prêtresse à leur tête. Privés des apports du passé, le temple s'épuisait, comme une plante trop âgée qui vivotait sous l'ardeur du soleil avant de glisser lentement mais sûrement vers sa fin.
Et pourtant, elle tenait. Malgré la perte de ses précieux pétales, elle tenait. Sous son masque doré, l'aspirante ne pouvait que soupirer. Non de lassitude ou de chaleur, elle portait tant de toiles et de protections en plus de ses amulettes sur cette robe qu'elle sentait à peine, mais bien de crainte. D'ailleurs, elle n'était pas la seule, Aurélius, appuyé sur sa lance, changée en sceptre martial comme lors de chacune de ses visites en ce lieu dédié à la grande déesse, contemplait tout cela d'un air plus que préoccupé. Plus que la crispation de ses mâchoires faisant ressortir ses tempes grisonnantes, c'était bien les plis de son front qui trahissaient ses sentiments.
" Justinien finira par ne plus supporter l'existence d'un temple païen surtout que la Nubie elle-même est devenue chrétienne. " Lâcha-t-il soudain.
" Non... " La main de son maître se posa soudain sur son épaule, attirant son attention à lui seul. C'était un instant grave si grave.
" Personne ne peut aller contre ce destin, Néféret. Tu le sais, Akthar le sait. Philae va se transmuter elle aussi. "
~ Devenir une église... ~ Acheva en elle-même la jeune éveillée.
Et sans un mot de plus, la future sainte baissa la tête. Avoir passé tant d'années en ce temple pour apprendre l'ancienne sagesse en plus de celle que lui inculquait Aurelius en avait fait une femme emplie des valeurs égyptiennes bien plus que celle de la morale chrétienne. Tout ce qu'elle savait en termes de savoirs anciens et d'écritures, c'était principalement en ces lieux qu'elle l'avait appris, finissant par confondre en une seule Athéna et Isis tout comme elle le faisait depuis si longtemps avec Isis et Aphrodite.
Puis, soudain, elle reprit la parole.
" Pourquoi ? Pourquoi le passage ne peut-il se faire dans la non-violence et laisser aux hommes le temps de mêler les savoirs, les sagesses plutôt que tout détruire ? Que Philae devienne une Eglise si cela permet de sauver ce qu'il reste de nos anciens savoir mais je crains qu'il ne s'agisse que de pouvoir voire p... "
D'un geste, Aurélius la fit taire. Un simple index posé sur le métal peint de ses lèvres. Lui aussi avait vu le mélange se faire entre les divinités sous l'effet du temps en un changement certes long mais autrement moins destructeur que la prise, le pillage et la crémation de tout ce qui ne plaisait pas à l'Eglise.
" L'Eglise comporte des hommes capables de voir la valeur infinie de ces lieux. Mais ils ne sont pas seuls. Malheureusement...
L'aveugle ôta alors sa main, laissant sa disciple reprendre si elle le souhaitait. Pourtant, il n'en fut rien et face à son silence, Aurélius reprit.
" Malheureusement, pour ce qu'il en est de la survie ou de la chute imminente de Philae, je n'ai pas de réponse, Néféret. Pas de réponse, juste la certitude qu'il nous faudra mettre en sécurité aussi bien Akhtar que son épouse et les derniers initiés. La fureur monte chez les fanatiques qui voient la célébration des processions d'Isis comme un sacrilège. Nul ne sait combien de temps, ils pourront encore être entravés. "
" Ce sont des chiens enragés. "
A ces mots, le cosmos latent de Néféret monta soudain avant qu'un rapide coup de lance sur son épaule ne la rappelle à l'ordre. Un coup qui ne lui infligea pourtant nulle douleur, juste le tintement d'une pointe de fer contre le métal de sa protection. Un son si doux qu'elle ne pouvait que l'apprécier. Exactement ce qu'il fallait pour la distraire de sa colère naissante. Néféret était comme une flamme, une flamme ardente dansant sous le vent, aussi prompte à embraser la terre qu'à l'illuminer de sa chaleur bienveillante. Sans un soupir, la jeune initiée finit par se tourner vers son maître. Ni la flamme ni l'aveugle ne ressentait le besoin de se parler. C'était devenu si naturel entre eux. Au fil des saisons, des crues et décrues du Nil rythmant l'apprentissage de l'orpheline qu'Aurélius avait un jour prise sous son aile, bien des liens s'étaient créés. Un peu comme si les deux êtres étaient devenus comme père et fille sans le moindre lien de sang. La ferveur du mentor de la future sainte en Athéna n'avait jamais failli pas plus que son dévouement. C'était si impressionnant à voir en cette époque où l'Eglise et l'empereur tenaient tant à étouffer tout autre culte que celui de leur dieu unique.

Pourquoi Athéna ne faisait-elle rien contre cela ? Elle qui en était aussi la victime aurait eu toutes les raisons de s'y opposer. Combien de fois avait-elle souhaité poser la question sans qu'elle ne franchisse ses lèvres. Des dizaines peut-être même des centaines, elle avait cessé de compter depuis si longtemps si longtemps. Peut-être qu'au fond d'elle, elle savait déjà.

Elle en était là au moment précis où la procession s'ébranla. En cette Île sacrée, tout était si imprégné de l'antique sagesse ancienne à laquelle s'ajoutait la présence de la déesse.

" Isis... "
En l'âme de Néféret, les images une nouvelle fois se mélangeaient. Sous le froid de son masque, elle sentait sa peau brûler comme un présage. Un présage de la future chute de cette déesse plus que millénaire.
" Mirages... "
Une main sur son épaule, celle d'Aurélius dont les yeux aveugles exprimaient toute la tristesse du monde.
" Oui, tout n'est que mirages, Néféret. Comme le désert où je t'ai appris à développer et maîtriser ton cosmos, est empli de mirages, Philae l'est tout aussi. Le plus grand de tous étant l'illusion de survivre au passage des chrétiens, de perdurer sous la bienveillance de la grande déesse douce entre toutes les douces. Tout n'était que mirage. Je ne puis l'affirmer avec toute la précision voulue mais tout comme toi, j'ai la certitude que cette fête sera la dernière. L'ultime... "
" Maître... "
Inconsciemment, elle avait posé sa main gantée sur le haut de la tunique d’apparat du romain.

" La dernière, Néféret. Puissent les Moires protéger les ultimes initiés et les serviteurs de Justinien accéder à sa demande sans provoquer un bain de sang. "
Sur ces mots porteurs de tant d'espoir et de malheur, la voix d'Aurélius s'éteignit. Le temps n'était pas au drame mais à l'honneur d'assister une dernière fois à ce que plus personne ne contemplerait sur terre. Que leurs cœurs saignassent ne changeait rien, tous deux seraient là pour soutenir de toute la force de leurs âmes la puissante Isis avec qui ils confondaient si souvent la glorieuse Athéna aussi bien que la merveilleuse Aphrodite.
Ainsi devait s'achever cette si longue et intense journée : en une ultime vision des miracles d'Isis avant que le désert ne rappelle Néféret en son fief et qu'elle y parachève son entraînement.

Un écheveau de lumière scintillant sous le firmament

Bien après la procession...
Le soleil descendait sur le désert, embrasant le ciel en une splendide toile aux tons aussi uniques que chauds. D'ici peu, les étoiles paraîtraient dans toute leur splendeur sur un ciel d'une beauté éclatante. C'était en ces instants de passage que Néféret se sentait le plus apaisée, son âme vibrant en parfaite harmonie avec ces terres qu'elle avait appris à aimer au fil de son entraînement. Assise en tailleur tel un scribe, elle offrait sa peau nue à la puissance du désert. En ces lieux, elle était seule face à elle-même ou face à son maître que la lumière avait quitté depuis si longtemps. Qui aurait pu la voir ? Qui aurait pu seulement l'apercevoir autrement qu'une illusion due à la puissance du soleil. Aussi, en ces lieux, rien ne la couvrait. Seule face au désert, nulle protection sinon son corps et son cosmos.

La lune montant, la chaleur baissait, cédant sa place au froid nocturne. Tout être sensé se serait mis en quête d'un abri mais pas Néféret. Puissante désormais, elle ne craignait plus rien. La véritable force d'un chevalier venait son âme et de son cosmos. Sublimé par cette puissante énergie, son corps devenait alors une arme dépassant de loin la simple enveloppe de chair de tout être humain. Plus encore, il devenait capable de supporter bien des souffrances...

Ainsi en avait-elle senti la grandeur bien des fois après qu'Aurélius l'eut prise pour disciple, laissant Akhtar suivre sa propre voie sans pour autant le priver de son cosmos latent. Lui aussi le possédait, sans le moindre doute, mais quelque chose en lui avait alerté leur maître sur sa destinée. Sa voie n'était pas celle d'Athéna. Il avait un don tout autre que celui de son aînée et son talent immense en tant qu'initié au savoir ancien avait confirmé le guerrier dans sa première intuition. Sa place à lui serait à Philae. Quel que soit l'avenir du temple, Akhtar lui était lié...
Et pour en revenir à Néféret, celle-ci embrasa soudain son cosmos mais sans violence. Mieux encore, elle s'alignait sur la course du vent. Tout en délicatesse en un flot guère plus décelable que la caresse délicate et vaporeuse d'un nuage. Un exercice auquel elle excellait depuis que son maître le lui avait enseigné. Faire vibrer son cosmos tout en harmonie avec le désert au point qu'il se dilue en son immensité tout en restant connecté à celle qui en était la source, le centre vibrant tel une masse infinie de cheveux aussi fins qu'invisibles.
En cet instant de calme infinie, la jeune disciple se sentait bien, si bien. Son corps nu émettait en permanence sans la moindre fatigue une couronne aussi soyeuse qu'invisible et qui n'attendait qu'un seul désir de sa part pour se déchaîner en un seul point précis. La lumière et le sceptre de la reine lui tendaient irrésistiblement les bras. Le temps des épreuves venait à pas lents mais certains...
Opinion qu'avait depuis longtemps son maître Aurélius. Plus que tous, l'aveugle l'avait ressenti. Une forme se dessinait autour de la jeune femme tout comme une constellation brillait plus intensément au-dessus de sa tête. La reine ne tarderait plus à émerger de son sommeil ancestral. Sous la gangue de roches et de sable, elle reposait encore, installée en sa demeure, royale, sceptre en mains, priant la déesse pour la protection des siens.
~ Une force d'âme à toute épreuve, une volonté aussi farouche que le désert. ~
Un sourire s'était même dessiné quand il avait pu sentir l'armure vibrer en sa pandora avant qu'elle ne paraisse un bref moment à ses côtés comme mue par un appel mystérieux. A moins que le cosmos d'Aurélius n'en soit l'unique responsable.

" Encore un peu de patience, Bérénice... "
Sa main avait couru le long de la boîte de métal vivant comme pour l'apaiser.
" Encore un peu de patience, l'heure de son arrivée approche à grand pas. "Puis, embrasant son cosmos. " Retourne en ton domaine. Elle ira à ta rencontre d'elle-même. " Et la pandora disparut aussi vite qu'elle était venue.
Le temps s'écoula ensuite et avec lui, l'entraînement repris de plus belle. Sans témoin car seul l'imprudent faisait étalage de toutes ses techniques et connaissances aux yeux du monde. Rester cachée au regard des non-éveillés, tel était le message d'Aurélius auquel Néféret avait fini par accéder avec un enthousiasme plus que certain.

*************************************


Et combien de temps s'écoula-t-il encore ensuite ? Elle-même n'aurait pu le dire. En ces temps d'épreuves, les jours et les nuits se succédaient en autant de bourrasques sablonneuses flirtant entre le simple souffle et la franche tempête. Et inébranlable, elle demeurait, tenant encore et encore, s'élevant contre les fureurs de la nature ponctuées d'attaques cosmiques de plus en plus pressantes, douloureuses voire cruelles. L'esprit et le corps éprouvés au plus haut point, Néféret tenait bon, faisant face à l'adversité, refermant ses plaies au rythme des assauts d'un un sable tantôt bouillant tantôt glacial.
Attaque contre-attaque, défense, contre et régénération devinrent son chant, son hymne à la gloire de la déesse. Sans cesser de lutter, sans se plaindre, elle surmontait chaque nouvelle épreuve.
~ J'ai la force de l'âme, du corps et de l'amour. Entre mes mains, le chaos se fait harmonie, tel un ensemble de fils se font tapisserie. L'écheveau cosmique scintille entre mes mains. Ainsi croissait sa confiance. L'heure de l'épreuve allait enfin sonner avec la montée de la prochaine lune mais autrement les Moires en avaient décidé.

Dignes de la fureur de Seth et de la Lumière de Sekhmet...


Un battement de cil pour l'éternité, un battement de cœur pour la chute d'une déesse et la perte de tant et tant de vies. C'était si intense si horrible en sa violence que même au fin fond du désert, elle avait pu le sentir cogner aux portes de ses sens. Un choc, une onde de choc à nulle autre pareil qui la prit jusqu'au cerveau.
" Maître... " Avait-elle alors soufflé d'une voix altérée, incrédule et mal assurée.
Aurélius avait tremblé sous la violence. Même lui, même lui n'avait pu que se mettre en défense face à ce qui éclatait au loin. Réflexe viscéral si révélateur aux yeux de tout éveillé. Ce qu'il se passait impliquer la présence d'un cosmos et pas n'importe lequel. Un cosmos plus que capable de les menacer et il venait d'une direction qu'aussi bien le maître que la disciple connaissait. Une direction qui amenait son lot d'interrogation, de tristesse et de fureur.

" Philae, Philae a été prise dans la tourmente. Pourquoi de cette manière ? Pourquoi cette barbarie... "
Les larmes brillaient au coin de ses yeux morts tout comme l'étaient à présent presque la totalité des prêtres. Un cri de tristesse désespérée auquel répondit la voix toujours tremblante de Néféret mais cette fois, c'était la colère qui dominait.
" Pourquoi user du cosmos !!! Pourquoi... ? Ce ne sont que des prêtres !!! "
Sous la violence de sa colère, la roche sur laquelle elle reposait se retrouva pulvérisée.
" Pourquoi le cosmos ? "
Elle semblait n'avoir de cesse de répéter cela jusqu'à ce qu'elle ressente une autre onde encore plus puissante s'élever jusqu'au ciel, dressant aussitôt ses défenses face au choc qui ne tarderait pas à suivre tant le souffle de sable résultant se montrait rapide et violent.
" Non, ce n'est pas... "
" Néféret !!! s'époumona presque Aurélius au cœur de la tourmente, se maintenant lui aussi au moyen de son cosmos avant de la prendre et la tirer par le bras, lui intimant de la suivre. Il faut qu'on y aille, il le faut. Le pire que je pouvais craindre est arrivé... "
" Mais ? "
Une nouvelle fois, le maître s'imposa à l'élève. Ils devaient agir vite très vite quitte à ce que l'un traîne l'autre de force.
" Il est trop puissant pour le laisser seul. Seth, il ne voit plus que la violence de Seth en cet instant comme remède à sa douleur. "
" Seth ? Mais de quoi parlez-vous ? Nous sommes sous le... "
" En son âme tout se confond autant qu'en la tienne, ma jeune reine. "
" Reine ? "
" Le temps des révélations attendra encore. Pour l'heure, le seul moyen de le ramener à la raison est de déchaîner une force aussi redoutable que celle dont il est persuadé d'être le dépositaire. Je serai le bouclier des derniers survivants et le tien. "
" Moi... "
" Oui, toi seule peut l'amener à entendre raison lorsque la déesse lionne l'aura fait fléchir. "
~ Lionne ? ~
En son esprit pétri des connaissances de Philae et de celles que lui avait inculquées Aurélius, une forme apparut, claire et limpide. Une forme redoutable liée à la puissance du soleil, tenant autant de la femme que de la lionne.
~ Bien, si je dois déchaîner mon pouvoir dans toute sa puissance, je le ferai sous le masque de la redoutable et redoutée Sekhmet. Ô Athéna, aidez-moi. Aidez-moi, guidez-moi en ce chaos qui m'agite. Que de mes mains jaillissent en plus de la lumière, l'harmonie... ~



La force du Sable, la puissance de la lumière...

Sous un ciel de sable aussi suffocant que torride, deux êtres courraient, à perdre haleine, sans s'arrêter ni même ralentir une seule fois, filant avec la force du désespoir droit vers la lumière d'un phare qu'eux seuls voyaient. En eux, une seule chose comptait, courir encore et encore, filer comme le vent, filer comme la lumière. Brûler son cosmos, brûler sa vie mais avancer encore et toujours, telle était leur obsession, leur but.
Sombre, opaque, zébrée d'éclairs éblouissants, la masse de sable s'abattait sur eux avec toute la violence du cosmos qui l'agitait. Pourtant, elle devait avancer. Néféret le savait, elle devait avancer et faire face avec toute la fureur et la puissance d'une déesse lionne...
Soudain, une concentration plus intense de cosmos vint la frapper sans qu'elle n'en soit réellement atteinte. C'était si désordonné si désordonné comme le sable qui en tout lieux voulait s'insinuer et ce que ne fut qu'à cet instant qu'elle l'entendit.
" Néféret, arrête ! Il s'est suffisamment éloigné de Philae pour ne plus être une menace pour les occupants encore présents ! "
" Et quels occupants !!! " Hurla-t-elle en se protégeant le visage et la bouche. " Ceux que nous avons connus ou ceux qui les ont chassés et sont en train, j'en ai la certitude de louer Dieu pour ce que nous venons d'accomplir en accourant sur les lieux !!!
" Néféret... "
L'aveugle était partagé entre la tristesse qu'il ressentait pour Philae et la loyauté qui l'unissait au Sanctuaire. Le Sanctuaire qui l'avait prévenu de la chute prochaine de l'Île sacrée, lui ordonnant de quitter au plus vite les lieux en emmenant son apprentie. Apprentie qui possédait bien trop de liens avec les derniers prêtres et fidèles pour demeurer davantage en ces lointaines terres du sud. Mieux valait l'éloigner pour que tout se passe au mieux.
" Tout se passerait au mieux... " S'entendait-il encore dire par l'envoyé qu'il avait si promptement cru. Sans bain de sang mais c'était sous-estimer les fanatiques qui eux ne toléreraient jamais que le culte d'Isis puisse survivre même s'il était voué à l'oubli.
Au fond de lui, il imaginait bien ce qu'il avait pu se passer en leur absence. Les fanatiques avaient vraisemblablement déclenché une véritable incursion et saccagé le temple et tout ce qui pouvait être détruit pour laisser la place au dieu unique. Quant aux prêtres qui auraient voulu s'y opposer, le pire était à craindre, mais cela n'était encore que supposition. La plus effroyable de toute et seule la venue sur les lieux lui donnerait la réponse mais pour l'heure, il restait la présence de ce cosmos qui avait éclaté non sur l'Île mais sur la rive toute proche. Il avait pu le sentir avec précision avant que tout ne parte en tout sens. Il avait explosé aux environs de Philae.
~ Pourquoi ? Pourquoi les opposer, Athéna ? ~ Songea-t-il soudain, le remord naissant en elle.
Pourquoi avait-il suivi les ordres au lieu de rester et de défendre les derniers païens présents entre les murs de Philae ? Et pourquoi ne l'avait-il pas emmené, lui. Lui dont il avait reconnu l'espace d'une seconde l'aura avant qu'elle ne prenne cette forme méconnaissable.

~ Pourquoi ? ~
Était-ce cela l'épreuve finale d'Athéna menant au sacre final de Néféret ? Néféret qui comme pour donner écho à sa question muette reprit la parole, bien décidée à lui faire comprendre sa façon de penser.
" Oui, je suis là... Oui, je ne veux pas me calmer. Vous plus que quiconque devriez le comprendre. Je ne peux me calmer en songeant à ce qu'il s'est passé à Philae. Et Akhtar ? Akhtar et les siens... "
Sa voix tremblait tant en évoquant son frère, trahissant des larmes qu'elle ne pouvait verser.

" Mon frère et sa famille... "
" Non, tu ne sais pas ? Tu n'as pas encore réalisé ? "
A ces paroles, la future sainte releva la tête, les yeux agrandis par la surprise.
" Je ne sais pas... Elle marqua un autre blanc avant de saisir soudain. Non !!! Non, ce ne peut être lui, cela ne se peut. Il n'est que... "
" La douleur, Néféret, la douleur... "
Ces mots firent leur chemin en elle, la menant à la terrible conclusion qu'elle avait rejetée avec tant de forces. Une révélation encore pire que la précédente. Son propre frère avait plongé dans la plus pure folie, déclenchant une tempête d'une intensité telle qu'elle ne pouvait que rappeler la puissance de Seth tel que la tradition les décrivaient.
" Il faut... " Elle ne put achever sa phrase mais Aurélius en avait saisi tout le sens.
" Il faut que tu te battes contre lui, que tu le réduises à l'impuissance pour qu'il puisse enfin redevenir lui-même. "
" Non, je ne peux, je ne peux lutter contre... "
" Alors, ce seront les saints qui s'en chargeront. "
L'argument eut l'effet escompté. Sans un mot de plus, Néféret se remit en marche vers la source de ce cosmos qui explosait en tout sens. Il fallait qu'elle se charge de lui. Les saints eux ne lui laisseraient pas la moindre chance. Pas plus que les fanatiques en avaient laissé aux fidèles et aux prêtres, elle en était certaine. A tord ou à raison, rien ne pouvait le lui dire pour l'instant. La seule certitude qu'elle avait était qu'il fallait mettre un terme à toute cette folie avant que d'autres ne s'en chargent.
~ Non, pas seule... ~
Avait songé Aurélius en se joignant à elle sans un mot. L'heure de son sacre en tant que sainte de la déesse Athéna allait sonner et lui serait là pour assister à cette épreuve finale.

**********************************

Ainsi débuta ce qui s'avéra être un véritable parcours de croix, s'enfonçant de plus en plus loin dans la chaleur et l'oppression. Auxquelles s'ajoutait l'omniprésence du sable. En effet, rien ne semblait exister en dehors du vent et du sable. Du sable sous les pieds, du sable sur la peau, du sable prêt à s'insinuer dans la bouche et le nez, pénétrant le moindre pore. Rien de tout ce qu'elle avait vécu jusque-là ne pouvait rivaliser avec tout cela. Ainsi, auprès d'Aurélius, Néféret progressait pas à pas, se protégeant comme elle le pouvait des bourrasques sans fin.

Marche aveugle qui n'avait pour seul point fixe le cosmos que tous deux ressentaient. Le temps lui même semblait s'étirer à jamais, à l'image de ce désert mouvant. Trombe sur trombe avant que, enfin, le sol ne se fasse plus dur sous les pieds. Choc aussitôt suivi de l'attaque qui les faucha sans leur laisser la moindre chance
.
" Septième sens... !!! " Hurla Aurélius avant que, rassemblant ses forces, cosmos défensif poussé à son maximum, il ne se glissât sous le corps de son apprentie, amortissant un impact tel que la roche éclata, ouvrant une brèche débouchant sur une cavité aveugle où tous deux s'effondrèrent après avoir rebondi moult fois sur le manteau rocheux. Ainsi fila la lumière de Néféret vers les profondeurs mais il fallait bien plus, bien plus pour étouffer une telle flamme...


Entre frère et sœur, surgit le nom du cœur...

Retour au présent en cette moitié du sixième siècle...

" Qui ? Qui cherché-je en ces lieux ? " Et enfin les larmes coulèrent quand la mémoire lui revint. " Philae, maître Aurélius, la grande prêtresse, les fidèles et Akthar...

Akthar !!! "

Hurla-t-elle sans retenir une seule fois la puissance qui monta en flèche en elle.
" Akhtar !!! Comme par le passé, je tiendrais chacals, loups et démons loin de toi. Je suis la lumière, la lumière... "

Fermant les yeux sous ce qui n'était point son masque mais celui d'une autre, elle se concentra. Plus que tout, elle devait se montrer forte. Surpasser la souffrance, surpasser l'angoisse d'être enterrée vivante si loin des yeux aveugles mais bien présents de son maître. Aurélius qu'elle ne percevait pas mais qui lui suivait le tout. Le temps de la colère était passé, celui de la terreur aussi et enfin celui de l'amnésie suivant la chute dans les ténèbres. Une reine était sur le point de naître, une reine dont la chevelure et le sceptre seraient plus que de simples parures. Une reine au cœur de lionne...

Soudain, les roches s'élevèrent à leur tour, éclatant sous le choc d'un seul coup porté avec toute la puissance lumineuse de la reine de lumière. Puis de tous côtés, s'élancèrent une multitude de fils qui ne tardèrent pas à tisser une toile de cosmos qui ne tarda pas à solidifier les parois instables avant qu'elle ne s'élance droit vers la sortie, dotée d'une force dont elle n'aurait jamais soupçonné la puissance.

" Le temps est venu. Qu'Athéna te guide, reine Bérénice, qu'elle te guide autant que j'ai mené ton armure à toi. Même si tu ne l'as pas encore réalisé, tu portes le masque de la reine...

Qu'Athéna te guide et illumine ton cœur... "

A la surface, surgissant tel un geyser de sable porté par un flot de lumière, Néféret s'éleva largement au-dessus de la masse mouvante avant de se stabiliser d'une puissant flux de cosmos. A à peine quelques pas d'elle, le sable hurlait toujours la fureur d'Akthar mais cette fois, c'était une véritable combattante de la déesse qui se dressait face à lui.

~ Mon frère !!! ~Le retrouvant enfin, elle marqua un temps d'hésitation avant d'entendre une nouvelle fois la voix de son maître.


" Frappe en une seule fois, Néféret. Une seule fois, ton âme est nourrie de la puissance de la déesse lionne, tout comme elle, soigne les maux empoisonnant l'esprit de ton frère. Un seul coup, Néféret. Un seul coup. "

" Maître... "

Aurélius avait raison le temps n'était pas à l'hésitation ni à la faiblesse. Un seul coup, un seul déchaînement précis et rapide comme l'élan fulgurant de la lionne dépositaire de la puissance destructrice du soleil face aux assauts ravageurs mais désordonnés d'un jeune homme déchaînant une tempête digne de Seth.

" Un seul coup... "

De toute la puissance de son âme, elle concentra de nouveau son cosmos sentant qu'une nouvelle puissance se joignait à elle. L'armure de la Chevelure de Bérénice venait de se joindre à elle en toute son entièreté, lui donnant ce surplus qu'elle n'aurait jamais cru un jour posséder.

" Athéna Isis... " Lança-t-elle face au soleil avant d'armer son coup. Maintenant, elle allait plonger, plonger droit vers ce frère qu'elle chérissait de tout son cœur depuis sa plus tendre enfance. " Guidez la puissance de la lionne ardente. Akthar, mon frère, au plus profond de mon cœur, je t'aime... "

Et sous l'ardent soleil d'Egypte, l'image d'une lionne au pelage de lumière traversa le ciel, avant de fondre telle une flèche au plus profond de la tempête. Un immense flashe s'ensuivit. Puis, ce fut le souffle qui emporta le sable au loin, chassant jusqu'au petit grain, laissant reparaître un sol de roches nues. Et sur ce sol reposait le corps d'un jeune homme.

Lentement, elle avança. Lentement si lentement avant de se défaire de l'armure qui l'avait si bien couverte. Nue comme à sa naissance, elle s'abaisse près du corps de son frère. Sans un mot, elle le prit entre ses bras comme elle l'avait fait si longtemps auparavant, si longtemps. Ensemble, les deux êtres étaient comme isolés de la réalité et de la présence des derniers survivants qu'Aurélius avait récupérés là où Akthar les avait si intelligemment isolés.

Au fil des ultimes grains de sable retombant sur le sol, le cosmos curatif de Néféret faisait son effet et enfin Akthar reprit conscience, serrant entre ses bras le corps de sa sœur, aussi nu qu'elle.

" Anamaya, j'ai encore fait ce rêve. Anamaya, j'ai rêvé qu'on voulait tous vous tuer et que seul, seul je levais ma force contre ces monstres. Anamaya... Pardonne-moi ma folie... "
" Akthar... "
" Ce n'était pas un rêve, mon fils, pas un rêve. Tu t'es levé seul contre la folie des hommes pour sauver ceux que tu aimes. La folie t'a bien prise mais une reine veillait sur toi. Une reine qui n'est autre que ta propre sœur dont les pas sont désormais ceux d'une combattante d'Athéna. "

" Quoi !!! "Se redressa soudain le jeune homme se souvenant de la loi des femmes chevaliers avant que n'intervienne Aurélius.
" Rassure-toi, mon fils, vous êtes frère et sœur de sang et en ce qui me concerne, toutes les personnes de Philae ici présentes ainsi que toi êtes officiellement mortes de suite de la tempête. Hormis moi et Néféret, nul n'a survécu aux déchaînements des forces du désert. Pars, pars avec eux. Que le désert soit ta demeure sous mon aile. Que plus jamais la puissance de Seth ne s'exprime au travers de tes mains et ton cosmos. Seth n'est plus qu'une légende. Qu'il le reste...

Puis se tournant vers Néféret.

" Quant à toi, ma vaillante disciple, ton heure est venue de rejoindre les troupes de la déesse Athéna en tant que guerrière de la Chevelure de Bérénice. Qu'Athéna te guide, sainte de la Chevelure de Bérénice, Anamaya ardente comme le soleil, au cœur de lionne et à la grâce d'une reine...

Nul mot n'aurait pu en cet instant décrire ce qui s'en suivit. Les derniers instants de complicité et de tendresse entre membres d'une famille avant que leurs pas ne se séparent, marquant une dernière fois la fine couche de sable retombée...

Une déesse venait de chuter, une reine s'était réveillée...

Puisse sur l'Egypte, avec bienveillance, veiller Athéna...

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